La bosòla, c’est une borne, une limite territoriale. Ce qui a donné l’expression «dreit coma una bosòla». Mais ça peut être aussi une touffe d’herbe dans laquelle niche un oiseau (mata). Aujourd’hui, la configuration du terrain ne permet pas de pierres dressées. Donc, difficile de trancher pour l’une ou l’autre de ces acceptions, même si l’on peut apercevoir quelques restes de murettes.
Proverbe: « Val mai prendre l’aucèl en bosòla que quand vòla. »
Cela signifie friches, mais aussi terres nouvellement défrichées.
Un bosigaire, c’est celui qui mange salement, mais aussi un qui gâche l’ouvrage (bousilleur). D’où peut-être la réputation de naïfs attachée aux habitants de Bouzigues. On raconte qu’un habitant de Bouzigues, assis sur un sac de blé que portait son âne, trouva le baudet trop chargé et, pour le soulager, se fit mettre le sac sur les épaules, tout en restant assis sur la pauvre bête. On les appelle aussi los crancs (crabes) o nega-avesca, sobriquet dont ils se défendent malgré la légende que l’on raconte.
De mata, touffe, buisson en occitan et du diminutif -ela, les petits buissons, en général, terres non exploitées.
Cadet de las Matelas que dos fan cent ans. Cadet des Matelles que deux font cent ans. Se dit en occitan d’un homme aux cheveux grisonnants .
D’autres toponymes à Argens renvoient à la pauvreté des terres, sûrement peu cultivées avant l’essor de la vigne: La Garrigue, la garriga, la Bousigue longue la bosiga longa, la friche longue. Bosiga ou bartàs, le buisson, la friche.Desbosigar, comme desbartassar, en occitan, c’est défricher.
De còps dins pichòt bartàs s’amaga gròssa lèbre. Parfois dans un petit buisson se cache un gros lièvre.
Cela signifie « Colline des lauriers ». Le Pech (lo puèg) c’est la colline. Rares sont les villages qui n’ont pas le leur (Bize, Argeliers, Azillanet, Cesseras, Argens) seul ou qualifié (Pech Laurier, Pech Agut …). Ce mot vient du latin «podium» qui signifie soubassement, balustrade puis éminence. Dès le Moyen-âge, il prend le sens d’élévation, petit sommet, sens qu’il gardera en occitan.
En toponymie, ses déclinaisons sont nombreuses, par exemple, en occitan: Pioch (Riols, Servian), Pech (Azillanet, Argens), Le Puech (Rieussec, Verreries de Moussan), Le Puy (Haute-Loire), Le Puch (Ariège), Trespoey (quartier de Pau, 64). Avec un diminutif: Le Pouget (près de Clemont l’Hérault), Le Poujòl sur Orb. En catalan, Puig (Puigmal) et en corse, Poggio (Poggio di Nazza). De que se passejar de puèg en comba! (De quoi se promener par monts et par vaux!)
Pechlaurier, c’est l’écluse située à l’ouest d’Argens. Le nom de l’écluse de la colline qui la domine. L’autre, à l’est, c’est tout simplement l’écluse d’Argens. La plaque qui y est apposée nous apprend qu’elle est à 2485 m de l’écluse de Pechlaurier et à 53868 m des écluses de Fontsérannes. En effet, c’est la dernière avant le Grand Bief du Canal du Midi.
Proverbes: Quand lo puèg pren son capèl, lo pastre pren son mantèl. Quand le Pech est couvert de nuages, le berger s’habille.
A cada senhor novèl, cada puèg es un castèl. A chaque seigneur nouveau, chaque colline est un château.
A cada comba se trapa un puèg. Chaque jour amène son lot de difficultés.
L’église de Marseillette s’appelle «Église Saint André». Me promenant dans l’étang aujourd’hui asséché (depuis le XIXe siècle), je découvris de nombreuses campagnes portant des noms de saints: Saint Pierre, Saint Louis, Saint Jean, Saint Joseph, Saint Gabriel, Sainte Marie, Saint Germain, Saint Firmin. Comme un micro-toponyme de l’étang était Las Mounjos (Las Monjas, les religieuses), je commençai à me poser des questions sur l’éventuelle existence, antérieure ou contemporaine de l’assèchement, d’une communauté religieuse.
Je trouvai l’explication, on ne peut plus simple, mais qui ne vient pas forcément à l’esprit: «À partir de 1875, de nouveaux associés emploient une très importante main d’œuvre pour nettoyer et assécher de nouveau les parcelles de l’étang. Pour amortir ce coût, ils revendent les terres au fur et à mesure des assèchements. 1000 hectares sont ainsi revendus de 1875 à 1900. De nouvelles métairies sont construites ou des anciennes renommées, elles portent le nom de leurs propriétaires, précédés du mot « Saint » : Saint Marc, Saint-Firmin, Saint-Joseph, Saint-Jean, Saint-André…» (Christophe Monié Une histoire de l’assèchement de l’étang de Marseillette). Étonnante toponymie !
Que nous disent ces saints?
Per Sant Josèp los aucèls se maridan (les oiseaux se marient).
Per Sant Joan, sofra ta vinha païsan (soufre ta vigne, paysan).
Per Sant Andrieu, la pèrga sus l’oliu la perche sur l’olivier.
Si votre récolte n’est pas faite, pressez-vous la Saint André est le 30 novembre! E se sabètz pas a quin sant del paradís vos recomandar (à quel saint vous vouer), rampelatz-vos que «Lo primièr Sant qu’ajuda es lo melhor» le premier saint qui aide est le meilleur! Lo Sant de Dieu vos preserve (que le sang de Dieu vous préserve), formule que l’on adressait à ceux qui partaient.
La canal en occitan, c’est la rigole, la gouttière, le canal d’assèchement ou d’arrosage. Et aussi la tuile. A Marseillette, on a donc Las Canals e Lo Canal !
Que signifie ce toponyme ? Le pays Minervois qui salue son frère des Corbières ? Ou alors, le cru Minervois qui souhaite bon succès à son concurrent méridional ? Ou le souvenir d’un match de treize opposant deux villages de ces deux terroirs ? Pas du tout, ce nom signifie « lieu où vivent des corbeaux».
Es lo ciprès quilhat, la Corbièra salada, es lo vilatge mòrt, la tèrra abandonada (Claude Marti lo pais que vòl viure).
Lo molin était précieux dans notre région qui était, ne l’oublions pas, céréalière. Chaque village ou presque voulut avoir son moulin à vent (molin en occitan) ou à eau (molina). Ici, le nom Moulinasse compte un double augmentatif: le féminin en occitan l’est souvent (una cotèla c’est un grand couteau, una prada un grand pré). Il est ici suivi de -assa, suffixe augmentatif souvent péjoratif (femnassa, boriassa, femme vulgaire, ferme importante par la surface mais ne valant pas grand chose).
Au moyen-âge, le moulin pouvait être banal (seigneurial) ou privé, rarement collectif. Mais le meunier avait la mauvaise réputation d’être un voleur, puisqu’il se payait avec une part de la farine:
Molinièr panafarina, d’un sestièr ne fa una emina, d’una punhièra ne fa un còp, e d’un còp pana tot. Meunier vole farine, d’un sétier (150 à 300 l) fait une émine (20 l), d’une poignée fait un coup, et d’un coup vole tout.
Les moulins à vent ont, en général, été exploités peu de temps, détrônés par les minoteries (coma lo de mèstre Cornilha). Les moulins à eau, eux, sont souvent plus vieux, car la technique était plus facile à maîtriser.
N’oubliez pas de faire les choses quand le moment est venu: Quand lo vent bufa, cal far virar lo molin. Quand le vent souffle, il faut faire tourner le moulin.
Une ronde enfantine dit: Vira, vira, vira la ròda, vira, vira, vira molin Tourne la roue, tourne le moulin. Il s’agissait de chanter en ronde et d’accélérer le plus possible sans tomber.
Cela signifie « ruisseau de l’écluse ». La resclausa (du verbe resclaure, enfermer), c’est l’écluse, ou simplement l’arrêt qui permet de canaliser l’eau. On dit aussi l’enclusa, la tampa, la restanca. Ce mot peut aussi désigner la chaussée d’un moulin, qui amène l’eau à la roue (besal).
Proverbe: Dins la resclausa d’un molin non s’i pesca ges de balena. (Dans le bief d’un moulin on ne pêche pas de baleine.)